mardi 24 juillet 2007

Le contrat unique … est-ce une si bonne idée ?

Fondapol, Philippe Baccou : Le contrat unique … est-ce une si bonne idée ?


Philippe BACCOU
Haut fonctionnaire *
Ancien élève de l’ENA
* L’auteur s’exprime ici à titre personnel.


Tel le chat gourmand mais repu qui joue avec la souris sans lui vouloir plus de mal que lui imposer sa loi, Mr Ph. Baccou survole le sujet, l’effleure, esquive les questions qui fâchent et nous assène une conclusion avec laquelle tout le monde peut et devrait être d’accord :« Le chantier de la réforme du marché du travail est immense, mais il reste encombré par beaucoup de préjugés. Les occasions d’y bâtir de magnifiques usines à gaz ne manquent pas. Une approche moins ambitieuse serait pourtant plus efficace. Mieux comprises, des mesures plus simples et plus pratiques n’auraient-elles pas plus de chance d’être mieux acceptées ? »

Encore que, même là, Mr Ph. Baccou s’interroge, nous interroge, alors qu’une affirmation forte aurait été de meilleur aloi : Non aux ‘usines à gaz’ et Oui à un Contrat de Travail clair pour tout le monde, collaborateurs, employeurs et censeurs.

Mon avis est que Mr Ph. Baccou est, lui-même victime des préjugés qu’il semble regretter dans sa conclusion. Contrairement à notre nouveau Président qui, souhaitons que cela dure, est ouvert à toute expression d’idée, d’où qu’elle vienne, pourvu qu’elle soit apte à solutionner un problème, on sent, chez Mr Ph. Baccou, des clivages employeurs-syndicats, employés-employeurs, employés-employeurs-syndicats-justice d’un autre âge et qui doivent faire, en tout premier lieu, l’objet d’une éradication sans complaisance.

Je ne sais pas si la liste des changements souhaitables dans le Contrat de Travail, selon Mr Ph. Baccou, est exhaustive mais je suis entièrement d’accord avec chaque point cité MAIS … :

- Pourquoi écrire, en introduction de ce même paragraphe, je cite, « Les défauts du système français du contrat de travail sont, en partie au moins, reconnus par les partenaires sociaux eux-mêmes. » ?

Qui peut imaginer faire les réformes nécessaires sans l’accord de toutes les parties en présence ? Les « défauts du système français » sont dommageables pour tout le monde, employés, syndicats et employeurs ! Si on ne part pas de cette idée-force majeure on biaise dès le départ toute discussion possible.

- Plus subtil est le lapsus (?!) du dernier paragraphe de ces mêmes changements souhaitables ; Mr Ph. Baccou a raison quand il dit, je cite, « plus les salariés en place sont protégés, plus
les nouveaux entrants risquent d’avoir du mal à atteindre un emploi durable», j’aurais même dit ‘un emploi tout court’.

Et donc tout naturellement il aurait fallu dire dans le paragraphe suivant, je cite, « un marché du travail où on hésite à LICENCIER est un marché moins efficace pour fournir du travail, … », en lieu et place de, je cite la phrase d’origine, « un marché du travail où on hésite à RECRUTER est un marché moins efficace pour fournir du travail, … ».

Nuance ?! Pas tant que cela !
Car au delà des conditions de travail qui sont, à mon avis, en France, largement au-dessus de la moyenne internationale, le vrai problème du contrat de travail est celui du licenciement et des conditions de son indemnisation.

A ce sujet, Bravo Mr Ph. Baccou !
Pas un homme sensé ne peut ne pas vous approuver quand vous dîtes, je cite, « Devraient en revanche disparaître les dispositions par lesquelles le Code du Travail se mêle de la gestion de l’entreprise. », et un peu plus loin, je cite, « Nul ne doit être contraint de poursuivre un contrat de travail contre son gré. ».

Bien sûr que ce sont deux principes fondamentaux de la liberté de contracter.

Mais alors si on accepte ces principes majeurs, là encore il faut éradiquer les besoins de motivation formelle d’un licenciement, au même titre que la démission pour convenance personnelle ne donne pas lieu à plus ample examen. Le juste équilibre contractuel est à cette condition.

Le mandat social ne peut en aucun cas être un motif de contrat de travail à sens unique.
Pareillement, on ne peut pas demander à l’entreprise de se substituer à la protection sociale en cas de longue maladie.

Nul ne peut se substituer à l’entreprise pour décider de ce qui est juste et nécessaire à son développement harmonieux. La censure de la gestion de l’entreprise se fait au niveau du bilan et lors de l’assemblée des actionnaires. Aucune loi sociale ne peut garantir les performances futures.

Alors licenciement individuel ou licenciement collectif, la différenciation n’a pas lieu d’être.

Et si licenciement il doit y avoir, le meilleur moyen de limiter les conflits est de laisser les parties contracter les conditions de la rupture au même titre qu’ils ont contracté les conditions de l’embauche.

Toute idée de « Bonus/Malus » et autres contraintes sur les licenciements, n’ont pour seul objectif que de tenter de mettre à la charge de l’entreprise le coût du traitement social du chômage. Si l’entreprise est naturellement responsable de la mise à pied d’un individu, elle n’est en aucun cas responsable du blocage du marché du travail dont le chômage est la conséquence.

Que le code du travail fixe la procédure de licenciement, pourquoi pas, même si cela ne change en rien l’issue de la rupture décidée.
Que le code du travail fixe la fourchette d’indemnisation pouvant être accordée par une juridiction, en cas de désaccord entre les parties, peut aider à encore diminuer le nombre de recours.

Mais rechercher la formule magique pour que le Code du Travail et/ou le Contrat de Travail puisse garantir l’emploi de tout un chacun est une vue de l’esprit dommageable pour tous.

Soyons clairs, soit nous choisissons, par nos bulletins de vote, de participer à l’économie de marché du monde occidental dans son ensemble, et nous sommes prêts à en accepter les règles, soit nous choisissons de nous rallier à une démarche plus collectiviste.

Aujourd’hui, ce qui est communément mis en cause, c’est le taux de chômage. Nombreux sont ceux qui s’accordent pour dire que là n’est pas le vrai problème ; la question est de savoir pourquoi le chômage français est un chômage de longue durée ?!
Et là encore la tendance est claire : il faut fluidifier le marché du travail.

Pour cela il faut un cadre social clair, quantifiable et non sujet à interprétation au doigt mouillé. Il faut supprimer les effets de seuil. Il faut encourager collaborateurs et entreprises à performer.

La contrepartie est bien sûr un recours possible à l’arbitrage de la justice en cas de conflit. Mais comme cela a été fait pour le mariage et le divorce, il faut abandonner la recherche à tout prix de la faute. Un licenciement est toujours douloureux pour tout le monde.

Alors plutôt que de parler de contrat ‘x’, ‘y’ ou ‘z’, il me semble urgent de parler de conditions de contracter entre les deux parties, dans les deux sens, embauche et licenciement, dans un cadre légal clair et efficace, et bien sûr, corollaire indispensable, il est urgent d’abandonner toute idée qu’une loi sociale fera diminuer le chômage.

Et la suggestion de Mr Ph. Baccou de limiter les conditions de licenciement à une seule règle, je cite, « Les nouvelles règles de rupture du contrat de travail peuvent être dès lors organisées selon un principe simple : rien contre les engagements internationaux, … », est tout à fait recevable. Il me pardonnera, j’espère, d’avoir volontairement tronqué sa proposition en faisant fi du respect, au même titre, des « accords existants des partenaires sociaux » qui font partie intégrante, pour moi, des « défauts du système français du contrat de travail ».

Et si le gouvernement va dans ce sens, peu importe quel nom il donnera à ce contrat de travail, mais nous aurons fait un grand pas vers un contrôle du chômage de longue durée.

Et, OUI c’est une bonne idée !



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